Droits des Humains
Quelques paroles et portraits d'Indiens d'Amérique
du Nord
"Les cris de douleur des pauvres gens n'impliquent pas forcément qu'ils sont des justes, mais si on les ignore, jamais on ne saura ce qu'est vraiment la justice".
Anonyme
Près du relais routier de Midway
Le long de
l'autoroute sinueuse sur une aire de repos entre Oklahoma et
Tulsa
J'ai senti le soleil du
matin au-dessus du feuillage d'un jeune orne
se lever dans les senteurs de sauge et de
fleurs des champs.
Je
m'appuie sur mon coude.
Par-delà les champs, le bruit des voitures et
un château d'eau isolé
signalent la présence d'une petite
ville.
Je sors mon couteau de
dessous le sac de couchage
et
le glisse dans son fourreau, à ma ceinture.
Ho hatama hestoz
na no me*
nous sommes en Juillet
Je pense à une tasse
de café sur une table de bois loin d'ici.
Je regarde en direction de l'Ouest vers chez
moi.
* Il y a une
puissance qui vibre autour de moi (langue cheyenne)
Autrefois, il y a très très longtemps, les animaux étaient des êtres humains.
Les deux plus importants étaient le Loup et Coyote. Autant le Loup Créateur se montrait accommodant, autant coyote cherchait sans cesse à contrecarrer les projets du Loup. Un jour Loup déclara que si quelqu'un mourrait, il pourrait le ramener à la vie en décochant une flèche sous lui. Mais Coyote ne fut pas d'accord :il pensait que ramener les gens à la vie était une mauvaise idée, car il y aurait alors trop de monde sur terre et plus assez de place pour tous. Non dit-il "laissons les gens mourrir", "laissons leur chair pourrir" "et que leurs esprits s'en aille emporté par le vent de sorte que ne subsiste que leurs os assèchés" Le Loup fini par acquiescer, mais il décida en lui-même que le fils du Coyote serait le premier à succomber. Ainsi, il désira la mort du jeune garçon et son désir fut réalisé .Bientôt, Coyote vint le trouver pour lui apprendre cette nouvelle. Il rappela alors au Loup ce qui lui avait dit précédemment:Que les gens pourraient revivre s'il tirait une flèche sous eux. Mais le Loup répliqua en rappelant à Coyote ce que lui-même avait dit à propos des gens qui devaient mourir........ Et il en fut ainsi.
Vieille légende indienne
"J'ai vu mourir
deux générations des miens. Je sais la différence entre guerre et paix mieux que
quiconque en mon pays. Je suis vieux maintenant et je vais bientôt mourir. Mon
autorité va revenir à mes frères Opechan, Opechancanough et Catatough, puis à
mes deux soeurs, puis à mes deux filles. Je leur souhaite d'en savoir autant que
moi et que votre amour pour eux soit pareil à celui que j'ai pour vous. Pourquoi
user de la force pour vous emparer de ce que vous pouvez avoir sans difficulté
par l'amour ? Pourquoi voudriez-vous notre mort , alors que nous vous
nourrissons? Qu'obtiendriez-vous avec une guerre ? Nous pouvons cacher nos
provisions et nous enfuir dans les bois. Alors vous mourrez de faim pour avoir
infligé des torts à vos amis. Pourquoi nous jalousez-vous ? Nous n'avons pas
d'armes et nous voulons bien vous donner ce que vous demandez, dans la mesure où
vous venez vers nous en amis mais je sais bien aussi qu'il vaut mieux manger de
la bonne viande, dormir confortablement, vivre paisiblement avec mes épouses et
mes enfants, rire et m'amuser avec les Anglais, acheter leur cuivre et leurs
haches, plutôt que de les fuir et de dormir dans la forêt, dans le froid, ne me
nourrissant que de glands, de racines et autres piètres aliments, et étant
pourchassé au point de ne plus pouvoir ni manger ni dormir. Dans ces guerres-là,
mes hommes doivent rester a monter la garde sans cesse, et pour peu que l'on
perçoive un froissement de brindille, tous de s'écrier : "C'est le Capitaine
Smith qui arrive !". C'est ainsi qu'il me faudrait finir ma triste existence...
Remportez vos fusils et vos épées, cause de toute votre jalousie, sinon vous
pourriez bien tous finir de la même façon".
Appel lancé en 1607, par Powhatan au
capitaine John Smith au terme de la première année de la présence d'une colonie
permanente en Virginie[1].
"Il est de
coutume parmi nous, Indiens, lorsqu'un tel incident se produit, de libérer l'âme
du mort avec une centaine de mètres de longueur de perles; et comme vous êtes
étrangers ici, et êtes venus dans NOTRE pays, vous devriez certainement vous
conformer aux coutumes de notre pays, plutôt que de nous imposer les vôtres".
Réponse des, les Indiens du Maryland à l'exigence du
gouverneur de lui remettre tout homme coupable d'avoir tué un Anglais afin qu'il
fût puni selon la loi anglaise (1635)
"Honorons les os de ceux qui donnent leur chair pour nous maintenir en vie".
Prière sioux devant le crâne de bison
Peindre est un moyen d'examiner le monde, ce dont le système judiciaire des États-Unis m'a privé. C'est un moyen de voyager au-delà des murs et des barreaux de ce pénitencier. A travers mes peintures, je peux être avec mon peuple, en relation avec ma culture, ma tradition et mon esprit. Je peux observer de jeunes enfants souriants danser dans leur costume traditionnel, voir mes ancêtres en prière, soutenir le regard intense d'un guerrier. Lorsque je travaille ma toile, je suis un homme libre".
(Léonard "Gwarth-ee-lass"
Peltier).
Peltier devant une de ses oeuvres
SITTING
BULL,
Guerrier et mystique
Qu'on évoque les peuples amérindiens et tout de suite le nom de Sitting Bull vient aux lèvres ; comme si dans notre imaginaire nourri de westerns, le chef sioux incarnait à lui seul l'alpha et l'oméga de la résistance indienne à la conquête de l'Ouest. De son vivant déjà, la figure de Sitting Bull était légendaire...
Cet homme aux traits durs, à l'expression emplie de sagacité perçante, tel qu'il apparaît sur les clichés de l'époque, a porté à bout de bras la destinée de son peuple pour lequel il ne désirait qu'une chose, une vie libre. Guerrier, il le fut jusqu'au tréfonds de l'être. Et pourtant, il n'y eut pas plus ardent défenseur de la paix que lui. Sa vie entière se passa à essayer de trouver un terrain d'entente avec les Blancs et le gouvernement américain. Rares sont les chefs indiens qui déployèrent une semblable volonté de paix. Mais quand il dut livrer bataille, il le fit avec une rage féroce.
La légende qui le poursuit fait de lui un
homme-médecine, un sage, un "saint homme" peu enclin aux choses de la guerre.
C'est en grande partie faux. Les témoignages laissent penser en effet que
Sitting Bull avait un don de prophétie avéré, mais il fut aussi et surtout un
homme de guerre, meneur de combats. C'est ainsi qu'il se distingua parmi les
siens, et qu'il réussit, au milieu du XIXème siècle, à être
l'unificateur de plusieurs tribus des Plaines. Comme tout leader indien il
tendit entre ses mains les deux pôles qu'on pourrait croire opposes de la
conscience indienne : d'un côte, une spiritualité orientée vers la paix et
l'entente avec tout ce qui vit, et de l'autre une éducation guerrière
extraordinairement poussée. Sitting Bull fut un de ceux qui parvinrent peut-être
le mieux à gérer cette apparente incompatibilité. L'envergure du personnage n'en
est que plus marquante à une époque ou, côté blanc, tous ceux qui participèrent
de près ou de loin à la "politique Indienne" du gouvernement américain ne furent
que de médiocres figures, dont le principal souci était la carrière personnelle
et l'obtention des faveurs gouvernementales, en espérant, pour certains,
qu'elles finiraient bien par les hisser en haut de la hiérarchie sociale et
politique, voire, ainsi que l'escomptait le général Custer, au rang de président
des États-Unis. Custer paya de sa vie l'aveuglement que lui valut son
extravagante ambition. Quelques armées plus tard, ce fut au tour de Sitting
Bull, dont l'autorité, devenue plus que gênante pour ses ennemis de tous bords,
Blancs et Indiens, fut à l'origine de son assassinat, il y a tout juste cent
ans, en cette année 1890 marquée partant de violences et de troubles, et dont le
massacre de Wounded Knee fut, en quelque sorte, la sanglante apothéose.
Jeunesse d'un Sioux nomade
Sitting Bull naquit en mars 1831, près de l'actuelle petite ville de Bullhead, dans l'État du Dakota du Sud, pays des grandes plaines herbeuses et des troupeaux de bisons. Sa tribu est celle des Sioux Hunkpapa, guerriers redoutables. Jeune garçon, il ne portait pas encore le nom de Sitting Bull car, selon la coutume indienne, le nom d'adulte n'était décerné que plus tard, après avoir accompli un exploit particulièrement marquant aux yeux des siens. Il était surnommé Slow (Lent), à cause de l'attitude réfléchie dont il faisait toujours preuve avant de se décider. Toute son enfance se passa à cheval, à regarder défiler les paysages, l'horizon à perte de vue, d'abord serré contre sa mère et puis très vite à califourchon derrière elle. Avant 10 ans, il chevauche son propre poney. La légende veut que par la suite il ait eu les jambes arquées, comme moulées aux formes du cheval.
"Lent" connut la vie des nomades, l'ivresse
des grandes étendues, de la chasse aux bisons, du vol de l'aigle, cette liberté
qu'il chérira toute sa vie.
Chaque soir, il s'endormait en écoutant les innombrables histoires d'Iktomi, le
farceur, toutes ces légendes où les animaux parlent aux humains et leur donnent
de bons conseils, les récits héroïques de son peuple, la bravoure des guerriers
et, bien sûr, la couardise des
ennemis. En lui montait déjà le désir ardent de se distinguer, d'accomplir des
exploits prestigieux, qui, dans
la société sioux, transforment un être masculin en homme. Il admirait, enviait
les guerriers. Pour lui la guerre n'était pas seulement dans les récits, il fut
vraiment élevé au milieu d'elle. Lies blessures, les larmes, les danses de
guerre et les rituels célèbrent les victoires firent partie de sa vie
quotidienne.
A l'âge de
quatorze ans, il allait trouver l'occasion de prouver son ardeur au combat et
son courage. Ce jour-là, il se joignit d'office aux guerriers sans y avoir été invité et, son
audace payant, participa à la première bataille de sa vie, armé de son seul
"bâton à coup", destiné à toucher l'ennemi pour "compter les coups", obtenant
ainsi une distinction honorifique plus grande que si on l'avait tué. "Lent"
parviendra à renverser son adversaire crow mieux armé que lui, le premier "coup"
d'une longue série... A l'issue de la bataille remportée par les Sioux, Lent fut
acclamé par les siens et gagna le nom qu'il portera désormais jusqu'à sa mort :
Tatanka Iyotake ou "Bison mâle qui se roule dans la poussière", traduit par
Sitting Bull en anglais "Bison Assis". Son père avait reçu ce nom au cours d'une
vision, et il le transmit à son fils en témoignage de son admiration et de son
amour. Or ce nom avait une charge symbolique très forte pour les Sioux, qui, il
ne faut pas l'oublier, étaient de grands chasseurs de ces imposants ruminants,
dont ils tiraient pratiquement toute leur subsistance.
Dans les Plaines cet énorme herbivore était
connu comme étant une créature têtue, une force de la nature, n'ayant peur de
rien ne tournant jamais le dos,
n'abandonnant jamais, quel que soit l'obstacle, mais allant toujours de l'avant
malgré le danger et le mauvais temps."C'étaient ces capacités guerrières qui
parlaient aux Sioux Teton. Le courage était la vertu la plus nécessaire de leurs
vies aventureuses, et le courage absolument sans faille des bisons ébranlait
leur imagination avec une force fantastique." On comprend pourquoi le bison était un peu
comme un modèle à imiter.
Sitting Bull s'inspirera toute sa vie du bison mâle comme ses ancêtres avant lui. Pendant la première partie de sa vie, il fera montre d'endurance, de courage et de force, les qualités du bison, qui établiront sa renommée, notamment comme leader de la Société guerrière des "Cœurs Courageux" (Brave Hearts), Connus pour être les hommes les plus valeureux dans chaque tribu. Et, de bataille en distinction, il devint par la suite l'homme le plus en vue pour traiter avec les Blancs, à un moment où l'absence d'une figure marquante faisait cruellement défaut. Sitting Bull était connu comme une forte personnalité capable de galvaniser les hommes et d'œuvrer pour une certaine cohésion intertribale.
Le choix des Sioux fut quasi unanime. En 1851, Sitting Bull fut reconnu officiellement comme un des grands leaders de son peuple, à cause de sa bravoure mais aussi de sa générosité ; on disait que depuis son enfance il avait toujours été compatissant et attentif à tous, on rappelait toutes les fois où il avait adopté des ennemis captifs... À partir de ce moment-là, Sitting Bull se donna pour tâche de conduire son peuple et de le protéger : lourde responsabilité qu'il mènera jusqu'au bout et dont jamais il ne se départira. Sa chefferie allait surtout prendre son sens dans l'énergie qu'il mit à défendre les droits de son peuple face à l'implantation croissante des Blancs et à leurs revendications intenables. Jusqu'ici, il n'avait fait que vivre une existence normale de guerrier, bien que les raids menés contre d'autres tribus traditionnellement ennemies, et qui concernaient presque exclusivement les territoires de chasse, ne fussent pas sans relations avec l'avancée des colons blancs en terre indienne et le rétrécissement de l'espace qui en résultait.
En mai 1868, un missionnaire jésuite, le père
de Smet, connu pour ses affinités avec les Indiens, était envoyé sous couvert
du ministère de l'intérieur pour
essayer de négocier la paix, car depuis quelques années l'armée américaine ne
faisait qu'essuyer des échecs lui causant des pertes dommageables. Les exigences des Indiens étaient les
suivantes : qu'on supprime les routes qui coupaient leurs territoires de chasse,
qu'on brûle
les forts
militaires implantés un peu partout, qu'on arrête les bateaux à vapeur sur le
Missouri et qu'on expulse tous les Blancs à l'exception de ceux qui venaient pour
commercer. Cependant, ce qu'expliqua Sitting Bull au père de Smet montre bien
qu'il n'y avait encore jamais eu d'animosité envers les Blancs, et que ce n'était pas son désir de leur faire
la guerre, tant que son peuple serait libre d'aller et de venir comme il
l'entendait : "J'espère que la paix sera faite, et quoi que fassent les autres,
je m'engage à rester durablement ami avec les Blancs".
À l'issue de cette
chaleureuse rencontre fut signé le traité de Fort Laramie, le 2 juillet 1868. Il
garantissait aux Indiens l'intégrité de leur territoire à l'ouest du Missouri et
stipulait : "Aucun Blanc ne
serait autorisé à s'établir ou à occuper une portion de ce territoire, ou même
traverser ce territoire sans le consentement tacite des Indiens". Après ta
signature de ce traité, qui fut à première vue une victoire pour les Sioux, les
Plaines redevinrent calmes pendant quelque temps. Mais l'armée n'avait pas
digéré la perte de ses forts s'ensuivit une rivalité entre celle-ci et le
ministère des Affaires indiennes, qui i'emit très vite en cause l'état de paix
décrété. Face à cette situation mouvante, Sitting Bull et Crazy Horse, un des
chefs des Sioux Oglala, se mirent d'accord pour riposter à la première attaque
qui, ils le comprirent, n'allait pas tarder.
En 1874, le général
Custer, qui commandait le VIIème régiment de cavalerie, annonça qu'il
avait trouvé de l'or dans les Collines Noires (Black Hills), montagnes sacrées
des Indiens des Plaines et considérées comme territoire Indien par le traité de
Fort Laramie. La ruée vers l'or commença sans que l'armée puisse l'empêcher, en
supposant qu'elle ait voulu le faire. Tout le travail du ministère des Affaires
indiennes pendant trente ans s'effondrait ainsi avec l'arrivée de Custer, Une
commission fut envoyée : on proposa aux Indiens d'acheter les Black Hills. Mais
la voix de Sitting Bull s'éleva alors : "Nous ne voulons pas d'hommes blancs
ici. Les Black Hills m'appartiennent. Si les Blancs essayent de s'en emparer, je
combattrai".
Cette fois-ci, il
n'y eut pas de compromis et la commission repartit bredouille pour Washington.
Mais les chercheurs d'or ne s'en allèrent pas pour autant. Selon eux, ces
montagnes étaient trop riches pour du sang indien, et de toute façon ils
pensaient que cela aboutirait à la décision de déporter les Sioux dans des
territoires assignés, c'est-à-dire des réserves, comme d'ailleurs cela
avait été prévu dans le traité de
Laramie à l'insu des Indiens. Devant cette extraordinaire prétention, la
patience légendaire de Sitting Bull s'écroula et la colère s'empara de son cœur,
à tel point, diront ses proches,
qu'elle fit de lui un autre homme. Il exhorta les guerriers : "Nous sommes un
îlot d'indiens dans un lac de Blancs. Nous devons faire face ou ils nous
liquideront les uns après les autres. Ces soldats sont venus pour nous tirer dessus,
ils veulent la guerre. Eh bien, ils l'auront !".
À l'appel du chef
hunkpapa, la plupart des tribus des Plaines décidèrent de se joindre à lui et le
prirent comme principal organisateur. Ses guerriers disaient de lui : "Il sait
nous guider; nous avons toujours envie de combattre quand nous en presse. La
chance est de son côté, et il est brave. Il n'envoie jamais un autre homme où il
ne va pas lui-même". Il savait insuffler à ses hommes l'envie de combattre et,
dans ses veines, brûlait le feu implacable de la guerre : "Écoutez, jeunes
hommes. N'épargnez personne. Qui que vous rencontrez, tuez-le, et prenez son
cheval. Ne laissez vivre personne Ne sauvez rien !". Et très certainement, il
avait les meilleurs guerriers et cavaliers qui aient existé, la plupart des
généraux américains le diront. Mais bien peu, à ce moment-là, réalisèrent la
force que représentait la petite armée de Sitting Bull. Pas si petite pourtant :
il était à la tête de "l'armée"
la plus importante jamais rassemblée jusqu'à ce jour dans les Plaines. Sa
première tâche fut de veiller à ce que tout le monde dans cet immense camp, de
deux mille à trois mille âmes, ait de quoi se nourrir, ce qui demandait
une grande capacité
d'organisation. Mais une "armée" indienne n'est pas une armée comme les autres,
et l'événement qui eut lieu avant l'affrontement avec les "soldats bleus" des
États-Unis va nous le rappeler.
Au début de juin 1876, alors que tout les
campements étaient rassemblés dans la vallée de la Rosebud, on célébra une Danse
du Soleil, la grande cérémonie religieuse annuelle de nombreux Indiens des
Plaines. En cette période de guerre contre les Blancs, Sitting Bull décida de
prier pour son peuple et d'endurer les souffrances de la faim et de
l'autotorture, déjà vécues par lui comme en témoignaient les nombreuses
cicatrices de son dos et de sa poitrine. Cependant cette fois-ci, le rituel et
la prière qu'il se proposait d'accomplir appelaient un don encore plus grand de
lui-même : avant de se faire percer la poitrine, il se fit prélever cent petits
morceaux de chair sur les bras ainsi meurtri dans son corps et relié à l'Arbre
sacré il dansa pendant deux jours sous le soleil, jusqu'à ce que ses forces
l'abandonnent et qu'il s'effondre sans connaissance. Il n'avait pas danse en
vain : après être revenu à lui, il raconta aux siens la vision de victoire qu'il
avait eue pendant qu'il dansait : des soldats bleus arrivant dans le camp, la
tête en bas, renversés sur leurs montures. Les Indiens apprirent ainsi que
l'armée allait les attaquer, mais qu'elle perdrait la bataille. Cette prophétie
- car c'est ainsi qu'elle fut comprise - frappa tous les esprits. Personne
n'ignorait que Sitting Bull était un grand visionnaire et que ses prophéties
s'étaient toujours réalisées dans le passé.
Avant la bataille prophétisée, c'est-à-dire
entre le 15 et le 24 juin 1876, il y eut un premier combat, connu sous le nom de
bataille de Rosebud ; les troupes du général Crook durent battit en retraite, et
celui-ci, déprimé, abandonna pour toujours le désir de poursuivre les Indiens.
Bientôt d'autres troupes arrivèrent en renfort. Entre-temps, les Sioux
quittèrent la vallée de la Rosebud pour la vallée de Little Big Horn, au
Montana, où ils espéraient trouver du gibier. La veille, le général Custer, à quelques
kilomètres de là, ne pensait qu'à lui-même, qu'à la gloire qui serait la sienne
s'il battait Sitting Bull, si
bien qu'il ne prêta même pas attention aux propos de ses éclaireurs indiens qui
lui rapportaient que le chef sioux avait plus de guerriers qu'il n'en pourrait
battre avec son armée. Sitting
Bull, de son côté, priait pour son peuple au sommet de la colline, les mains
levées vers le ciel sombre, pleurant et implorant le Grand Esprit : "Wakan Tanka, aie pitié de
moi... Sauve mon peuple, je t'en supplie. Nous désirons VIVRE. Garde-nous de
tous les malheurs et calamités."
Il n'avait pas de doutes sur la victoire des
siens, mais s'affligeait simplement pour ceux qui allaient mourir au combat et
priait pour eux. On a dit que
Sitting Bull avait usé de charmes magiques pendant la bataille de Little Big
Horn, et que de ce fait il n'y avait pas pris part lui-même. Mais les Sioux
n'ont aucun rituel qui permette à un homme d'assurer la victoire à son camp dans
une bataille, tout juste un
guerrier est-il capable de le faire pour sa propre personne. Et d'ailleurs, même
s'il avait eu ce pouvoir, Sitting Bull ne
l'aurait pas utilisé, car il avait déjà reçu
l'assurance divine de la victoire. Comme l'écrivirent ses biographes, tout cela
n'est que pur mensonge, fait
pour discréditer le chef hunkpapa après sa reddition. L'opinion qui veut que
Sitting Bull ait été un "saint homme" (chaman) et non un chef de guerre parce
qu'il n'a pas participé à la bataille, est également fausse. Il n'a pas combattu
parce que le jeûne et les
blessures qu'il s'était infligés à la Danse du Soleil l'avaient grandement
affaibli. Quand les troupes, Custer en tête, déboulèrent au-dessus de l'immense campement,
Sitting Bull était là, présent où il fallait, pour un homme de son âge et de sa
condition, encourageant les guerriers, se souciant avant tout de voir les femmes
et les enfants mis en sécurité. En fait, la bataille se déroula comme Sitting Bull l'avait rêvée : la
quasi-totalité des soldats fut exterminée, et Custer avec... Mais par la suite, plus de répit possible, et
une seule évidence à l'horizon : fuir. Custer venait d'être éliminé, mais
d'autres troupes, toujours plus nombreuses, allaient être envoyées pour
soumettre les Sioux de gré ou de force. Les Sioux ayant combattu aux côtés de
ceux qu'ils appelaient les Tuniques Rouges pendant la guerre d'lndépendance,
Sitting Bull proposa à ses
partisans de se réfugier au Canada, Crazy Horse préférant rester sur sa terre
natale. On sait que le chef oglala fut tué peu de temps après par un soldat
alors que des policiers indiens lui tenaient les bras.
En mai 1877, Sitting Bull et sa bande
rejoignirent le Canada, où les Sioux retrouvèrent une vie de famille normale.
Cependant, le Canada n'entendait
pas garder Ces réfugiés trop longtemps. "On" pressa le gouvernement américain de
les reprendre au plus vite. En 1878, celui-ci chargea une commission
d'interroger Sitting Bull sur ses intentions[2]. C'était quelques mois
après que le chef Joseph des Nez-Percé se soit fait rattraper
près de la frontière canado-américaine par les troupes du généraI Miles, alors
qu'il tentait le même exode que Sitting Bull. Un massacre avait eu lieu et une
centaine de Nez-Percé, rescapés, avaient rejoint le camp des Sioux. On comprend que ceux-ci n'avaient pas
du tout envie de rencontrer la commission. En échange de leur reddition, le
pardon leur serait accordé et
ils bénéficieraient du même traitement que ceux qui s'étaient rendus dans les
réserves : distributions de nourriture, de vêtements et de bétail. Se rendre,
cela voulait dire remettre les armes, ainsi que les chevaux, au
gouvernement américain.
L'assistanat, voilà ce qui attendait les fiers guerriers.
L'indignation de Sitting Bull et des siens
était à son comble. Maintenant que son peuple avait retrouvé une vie à peu près
décente, il ne pouvait être
question de retomber dans les mains des Américains menteurs et fourbes qui
auraient vite fait de les massacrer. Sitting Bull ne comprenait pas que cette
commission n'était que la première étape d'un harcèlement qui allait vite
devenir invivable. Les propres
amis de Sitting Bull le prièrent de se rendre. Petit à petit son camp se
désagrégea, nombreux étant ceux qui décidèrent de repartir chez eux. Sitting
Bull, en désespoir de cause, tenta d'obtenir une réserve au Canada. Mais elle
lui fut refusée. Et Sitting Bull
dut se remémorer toutes les trahisons, tous les massacres sur la terre de ses
ancêtres...
La famine eut raison de son courage et de sa
force : les troupeaux de bisons avaient été détournés par des feux de plaines et
plus personne n'acceptait de lui
fournir des vivres. Il dut bien se rendre à l'évidence que presque tout le monde
l'avait laissé tomber. La mort dans l'âme, il décida de rejoindre ceux des siens
qui s'étaient déjà rendus, abandonnant leurs précieux chevaux, leurs
armes, tout ce qui faisait leur
prestance guerrière. Les journaux américains se firent l'écho de sa reddition et
prêtèrent à Sitting Bull ces paroles :"Notez que je suis le dernier homme de
mon peuple à baisser les armes."
Un de ses neveux qui l'avait accompagné
jusqu'au bout, affirma qu'il n'en fut rien, et que, solitaire comme il était,
fatigué, il n'avait pas eu le
cœur à tenir de tels propos, son seul souci étant de savoir ce qu'il allait
pouvoir obtenir des Américains pour son peuple. Le gouvernement décida de
l'envoyer dans la réserve de Standing Rock (Dakota du Nord).
McLaughlin, l'agent de la réserve de Standing
Rock, pensa que Sitting Bull avait désormais perdu son autorité de chef, ce en
quoi il se trompait. A l'image des bisons, Sitting Bull entendait poursuivre sa
mission jusqu'au bout. Cependant, voyant que les Blancs, contrairement à ce
qu'il avait pensé de prime abord, n'avaient pas pour but immédiat de le
détruire, mais semblaient maintenant vouloir réellement coopérer, il se montra
conciliant. Il déploya beaucoup de bonne volonté pour montrer aux agents du
gouvernement qu'il était prêt à adopter pour ses enfants le mode de vie des
Blancs, Si on lui en donnait les moyens, c'est-à-dire s'il avait le nécessaire
pour les nourrir et les vêtir. Quand on sait que beaucoup d'entre eux mouraient
déjà de faim, on comprend que Sitting Bull ait voulu, par cette attitude, que
d'aucuns lui reprochent peut-être comme étant son abdication finale, essayer de
sauver la situation.
Par ailleurs, certains ne lui avaient pas
pardonné sa franchise et la façon dont il avait évincé les représentants de la
commission venus le trouver au
Canada. De plus, on finit par comprendre que, tant que Sitting Bull serait
présent, on ne pourrait pas impunément bafouer les droits de son peuple,
le diviser pour mieux l'assujettir, car son refus de se rendre en avait fait une
figure célèbre dans toute l'Amérique du Nord et il avait ainsi un large public
de sympathisants.
La popularité de Sitting Bull fut d'ailleurs
utilisée et accrue grâce au colonel William Cody, alias Buffalo Bill, qui trouva
là l'occasion rêvée de se faire
valoir en montant un spectacle de cirque qui retraçait l'épopée de l'Ouest. Il
réussit à engager Sitting Bull dans son "Wild West Show", ce qui arrangeait bien
le major McLaughlin qui espérait ainsi voir la popularité et l'influence du
vieux chef diminuées. L'agent
indien faisait tout ce qu'il pouvait pour éloigner Sitting Bull de la réserve.
Par ailleurs, il suscitait des chefs rivaux dans le propre camp de Sitting Bull,
organisait une police indienne, réussit à convaincre un des chefs de faire
signer par une majorité et de manière souveraine, un traité, une sorte de
contre-Laramie, où les Sioux s'engageaient à céder de nouvelles terres.
Mclaughlin s'efforçait de détruire la cohésion des Sioux de Standing Rock pour
mieux assimiler les Indiens, les transformer en fermiers. Et il y arrivait assez
bien, au désespoir de Sitting Bull et de ses partisans condamnés à un assistanat
intolérable.
A la même époque apparut dans le Nevada un
mouvement messianique appelé Ghost Dance, wanagi wacipi en Sioux, "Danse
des Esprits-Fantômes". Il avait
pour but la communication entre les vivants et les morts, par l'intermédiaire de
la danse et d'une transe hypnotique. D'après l'anthropologue américain James
Moeney, qui a pu interviewer les prophètes, Wowoka, le prophète païute
qui en avait eu la révélation à
la suite de son père Tavibo, promettait la résurrection des Indiens morts, le
retour des bisons et du mode de vie traditionnel et la disparition des mauvais
Blancs qui seraient détruits par la volonté du Maître de la Vie.
Dans l'Ouest, les propriétaires fonciers et
les journaux locaux firent courir les bruits qu'une nouvelle rébellion des Sioux
était en germe, véhiculée par
les prophètes et adeptes de la Ghost Dance, et qu'il fallait arrêter ces
fomentateurs de désordre. Croyait-on les Indiens assez fous pour tenter un tel
suicide, alors qu'ils n'avaient quasiment plus d'armes, qu'ils étaient mal
nourris et qu'un hiver très rude
s'annonçait? Il s'agissait plutôt d'un faux prétexte pour s'emparer des terres
indiennes.
Des adeptes de la Danse étaient venus
s'installer dans le campement de Sitting Bull, mais de nombreuses sources
convergent pour assurer qu'il
n'y adhéra sans doute pas lui-même. (Précisons que, d'après J. Mooney, à peu
près la moitié des Sioux des réserves se laissèrent convaincre par cet espoir
messianique.) Cependant, on sait maintenant que l'idée de l'arrestation du chef
était antérieure à l'apparition de la Ghost Dance. Mais, sa popularité étant
telle, son arrestation aurait créé un état de crise, voire un
soulèvement, il fallait donc un alibi
sérieux. On fit donc savoir que Sitting Bull était un fervent adepte et qu'il y
avait de nombreuses cérémonies
dans son camp.
McLaughlin décida de faire arrêter Sitting
Bul par la police indienne, le plus discrètement possible, plutôt que par
l'armée. Le vieux chef aurait
été prévenu de l'ordre d'arrestation dont il était l'objet, mais il attendit
sereinement. Et, le 15 décembre 1890, une vingtaine de policiers indiens
pénétrèrent dans le camp, un peu avant le lever du soleil.
La mort de Sitting Bull
En 1890, dans les hautes plaines de l'Ouest,
l'armée était présente partout : deux mille cavaliers, et beaucoup d'infanterie
"pour parer à toute chose" car
les journalistes, notamment ceux présents à l'agence de Pine Ridge,
méconnaissant autant la psychologie indienne que la réalité des
faits, ne cessaient de présenter la Danse des Fantômes, dans des articles
destinés à leurs lecteurs de
l'Est, comme une cérémonie guerrière. Après tout, il n'y avait que quatorze ans
que l'armée avait subi la cuisante défaite de Little Big Horn, et une bonne revanche
n'aurait pas été pour déplaire. Cependant, quelques voix clairvoyantes
essayèrent de se faire entendre. Le colonel McGillicudy fit remarquer au général
Brooke :"Si les adventistes du septième jour montent sur le toit de leurs
maisons, revêtus de leur "robe d'ascension", pour rencontrer le Sauveur lors de sa seconde apparition sur
terre, l'armée américaine ne sera pas mise sur pied de guerre pour les en
empêcher ! Pourquoi les Indiens
ne bénéficieraient-ils pas du même privilège? ".
Le chef oglala Little Wound répondit au
général Brooke lui demandant s'il était un Ghost dancer : "Mon ami, je suis trop
vieux pour danser. Je ne sais si l'histoire de Wowoka est vraie, mais c'est la
même histoire que les missionnaires blancs nous ont racontée : que
le Messie va revenir... Si cela arrive, il est bon que nous en profitions.
Sinon, l'affaire tombera d'elle-même!..."
Cependant, le vendredi 12 décembre 1890, Mclaughlin, l'agent de la réserve de Standing Rock, que les Indiens appelaient White Hair, était informé par le colonel Drum, commandant de Fort Yates, qu'un télégramme donnant ordre d'arrêter Sitting Bull était arrivé au QG de Saint Paul. Il réussit à persuader le colonel de laisser la police indienne effectuer l'arrestation, pour éviter que l'armée ne se mêlât trop de ce qu'il considérait comme son domaine réservé, ont dit certains, ou pour éviter un conflit plus général selon d'autres spécialistes.
Le capitaine de la police indienne Bull Head reçut l'ordre d'arrêter Sitting Bull dans la nuit du 14 décembre 1890. Par sécurité, son adjoint, le sergent-chef Shave Head avait reçu une copie de cet ordre. De son côté, le colonel Drum ordonna aux "Troops F and G" du 8' régiment de cavalerie de se mettre en marche vers le sud, sous le commandement du capitaine E.G. Fechet, afin d'empêcher toute interférence des Indiens amis de Sitting Bull. Par précaution, McLaughlin éloigna le neveu du vieux chef, le célèbre et brave One Bull, car il savait que celui-ci se battrait jusqu'à la mort pour défendre son oncle et par ailleurs, pour donner du "tonus" à sa police, il approvisionna avec quelques cruchons de mauvais Whisky... Pendant ce temps, les Hunkpapa dansaient leur dernière Danse des Fantômes, dans leur camp de Grand River, non loin du village de Bull Head. Quoique la "médecine" ne fût pas très bonne, la cérémonie se poursuivit assez tard dans la nuit. Et, l'un des visiteurs était le sergent-chef Shave Head... Sitting Bull lui offrit l'hospitalité pour la nuit dans sa cabane en rondins où logeaient aussi, en plus de lui-même et de sa femme Four Times, son fils Crow Foot et son jeune fils adoptif John, sourd-muet de naissance. Tout près, l'épouse de One Bull dormait seule dans un tipi. Les quarante-trois membres du "commando" policier arrivés à la cabane de Bull Head, passèrent la nuit à se "donner du courage" à l'aide du whisky. À la fin de la nuit, le capitaine murmura une prière en lakota, tout le monde se signa, puis la troupe s'ébranla vers l'est pour encercler le camp endormi du vieux chef.
Little Soldier frappa doucement à la porte, avec la crosse de son fusil, et Shave Head accomplit son travail en ouvrant la porte. Bull Head et une demi-douzaine d'hommes s'engouffrèrent et se dirigèrent vers la couche, y farfouillèrent pour en extirper rapidement la carabine, le revolver et même le vieux couteau du chef. Une lampe à pétrole fut allumée Weasel Bear se saisit du bras droit de Sitting Bull, Eagle Nian du gauche, ils le firent lever. Bull Head, posant une main sur son épaule, lui dit "Je te fais prisonnier." "Nous sommes venus pour toi, frère", ajouta Shave Head et le sergent Red Tomahawk l'avertit : "Tu seras tué sur place si tu déclenches le combat" tout en le maintenant par-derrière. "Très bien", répondit calmement Sitting Bull, sans apparemment vouloir résister. On l'aida à s'habiller, non sans mal ni bruit si bien que des gens, tirés de leur sommeil par ce remue-ménage, commencèrent à se rassembler devant la cabane. "Circulez, n'approchez pas", leur enjoignit le policier Eagle Man. "Entourez-le", ordonna Shave Head. Mais la foule était maintenant de plus en plus menaçante. Des cris hostiles aux "Poitrines de métal" (surnom des policiers indiens, à cause de l'insigne en cuivre qui ornait leur veste) s'élevaient de tous côtés. Et brusquement Sitting Bull se rebiffa : "Je n'irai pas, ne me touchez pas." Les policiers tentèrent alors de ramener le calme "Personne ne sera maltraité, nous sommes venus pour escorter Sitting Bull jusque chez White Hair qui veut lui parler", cria Bull Head, sans résultat. Catch The Bear apparut au coin de la cabane, Winchester en main, et s'adressa aux policiers : "Libérez-le", leur ordonna-t-il tout en armant sa carabine. Cet homme était en "délicatesse" avec le policier Bull Head, qui l'avait offensé trois ans plus tôt. Sitting Bull, encouragé, reprit: "Je n'irai pas, faites de moi ce que vous voulez. En avant... Allez-y !"
Ce fut le signal. Catch the Bear tira sur
Bull Head qui, blessé à la jambe, fit feu sur le chef. La balle, qui pénétra
entre la dixième et la onzième
côte, fut mortelle ; Red Tomahawk en tira une autre dans le dos de son
prisonnier, mortelle également. Pendant quelques minutes, une bataille générale et
féroce s' engagea : quatre policiers et six Indiens morts, dont le fils de
Sitting Bull, Crow Foot, âgé de
dix-sept ans, entourèrent rapidement le cadavre de Sitting Bull ; Bull Head et
Shave Head furent mortellement blessés.
Au lever du soleil, les soldats bleus arrivèrent, mais ne purent rattraper les trois cent trente-six partisans du vieux chef, qui s'échappèrent vers le sud. Lorsque One Bull, le neveu de Sitting Bull, revint à sa cabane, il constata que toutes les habitations du campement avaient été vandalisées : fenêtres cassées, poêles brisés, lits et couvertures déchiquetés, bétail massacré, chevaux disparus, trois cents poules abattues sans raison... Les "Poitrines de métal", dans leur ivresse, s'étaient acharnées, détruisant et pillant tous les biens familiaux de Sitting Bull et de ses proches. (Quelques objets furent cependant remis à McLaughlin, qui les exposa, trois ans plus tard, à l'exposition mondiale de Chicago.) D'épouvantables profanations furent commises, jusqu'à ce que l'armée s'interpose pour y mettre fin. On raconte que pendant le combat le cheval du vieux sage, un cheval de cirque offert par Buffalo Bill, commença à danser croyant sans doute qu'on rejouait le Wild West Show. Il s'assit au milieu des balles qui ne le touchèrent pas, à tel point que les policiers indiens furent effrayés à l'idée que l'esprit de Sitting Bull ait pu entrer dans l'animal.
McLaughlin ayant donné l'ordre de ramener le chef mort ou vif, son corps et ceux des policiers furent empilés dans le chariot, maintenant vide de son chargement de Whisky. On sait que la plupart des policiers brûlèrent par la suite leur uniforme et prirent de nombreux bains de vapeur (inipi, un rituel de purification) pour essayer de se laver de cette abomination. Les restes du chef furent très discrètement inhumés dans la chaux vive, le 17 décembre 1890, dans un coin isolé du cimetière de Fort Yates. Le charpentier de Fort Yates, qui fabriqua le cercueil, témoignera plus tard qu'en plus de sept blessures par balles, le corps avait été mutilé. Le révérend T.L. Riggs fit enterrer, tout aussi discrètement, les dépouilles des amis et parents du chef, dans une fosse commune, sur les lieux mêmes de la bataille, ce qui lui valut la reconnaissance émue des Hunkpapa. Par contre, les funérailles des policiers se déroulèrent solennellement, avec les honneurs militaires, au cimetière catholique de l'agence de Standing Rock.
De nos jours, on peut voir deux monuments se
disputant l'honneur d'abriter la tombe de Sitting Bull: le premier, au bord du Missouri,
en face de la ville de Mobridge (Dakota
du Sud) ; le second à Fort Yates même, quelques kilomètres plus au nord. Mais
aucun des deux ne recèle le moindre reste : seul le souvenir du grand chef
demeure vivace dans la mémoire des Sioux des réserves de Standing Rock et de Cheyenne
River.
"Un guerrier - Iki'cize
J'ai été -
waon'kon
Maintenant - Wana
C'est fini - hena'la
yelo'
La vie est dure."
(Chant de Sitting Bull alors
qu'il se rendait aux autorités après le combat contre le général
Custer).
"Voyez Mes frères, le printemps est venu ; la terre a reçu l'étreinte du soleil, et nous verrons bientôt les fruits de cet amour! Chaque graine s'éveille et de même chaque animal prend vie. C'est à ce mystérieux pouvoir que nous devons nous aussi notre existence ; c'est pourquoi nous concédons à nos voisins, même à nos voisins animaux, le même droit qu'à nous d'habiter cette terre. Pourtant, écoutez-moi, vous tous, nous avons maintenant affaire à une autre race, petite faible quand nos pères l'on rencontrée pour la première fois, mais aujourd'hui grande et arrogante. Assez étrangement, ils ont dans l'idée de cultiver le sol et l'amour de posséder est chez eux une maladie. Ces gens-là ont établi beaucoup de règles que les riches peuvent briser mais non les pauvres. Ils prélèvent des taxes sur les pauvres et les faibles pour entretenir les riches qui gouvernent. Ils revendiquent notre mère à tous, la terre, pour leur propre usage et se barricadent contre leurs voisins ; ils la défigurent avec leurs constructions et leurs ordures. Cette nation est pareille à un torrent de neige fondue qui sort de son lit et détruit tout sur son passage. Nous ne pouvons vivre côte à côte".
Discours prononcé en
1875
"Quel
traité le blanc a-t-il respecté que l'homme rouge ait rompu ? Aucun. Quel traité
'homme blanc a-t-il jamais passé avec nous et respecté ? Aucun. Quand j'étais
enfant, les Sioux étaient maîtres du monde ; le soleil se levait et se couchait
sur leur terre ; ils menaient dix mille hommes au combat. Où sont aujourd'hui
les guerriers ? Qui les a massacrés ? Où sont nos terres ? Qui les possède ?
Quel homme blanc peut dire que je lui ai jamais volé sa terre ou le moindre sou
? Pourtant ils disent que je suis un voleur. Quelle femme blanche, même isolée,
ai-je jamais capturée ou insultée ? Pourtant ils disent que je suis un mauvais
Indien. Quel homme blanc m'a jamais vu saoul ? Qui est jamais venu à moi affamé et
reparti le ventre vide ? Qui m'a jamais vu battre mes femmes ou maltraiter mes
enfants ? Quelle loi ai-je violée? Ai-je tort d'aimer ma propre loi ? Est-ce mal
pour moi parce que j'ai la peau rouge ? Parce que je suis un Sioux ? Parce que
je suis né là où mon père a vécu ? Parce que je suis prêt à mourir pour mon
peuple et mon pays ?".
"Je tiens à ce
que tous sachent que je n'ai pas l'intention de vendre une seule parcelle de nos
terres ; je ne veux pas non plus que les Blancs coupent nos arbres le long des
rivières ; je tiens beaucoup aux chênes dont les fruits me plaisent tout
spécialement. J'aime à observer les glands parce qu'ils endurent les tempêtes
hivernales et la chaleur de l'été, et - comme nous-mêmes - semblent s'épanouir
par elles".
Black-Elk
1863 - ?
Black Elk (Elan Noir) fut l'un des leader
spirituel de la nation sioux et plus précisément de la tribu des oglalas. Après
les guerre indiennes qui décimèrent son peuple, lui et quelques autres sorciers
essayaient ou ont essayé de maintenir vivante la tradition de ce peuple qui fut
jadis si fier.
"Tout
ce que fait un indien il le fait dans un cercle... Il en est ainsi parce que le
pouvoir de l'univers opère toujours en cercles et que toute chose tend à être
ronde. Dans les temps anciens, lorsque nous étions un peuple heureux et fort,
notre pouvoir nous venait du cercle sacré de la nation, et tant qu'il ne fut pas
brisé, notre peuple a prospéré. [...] Tout
ce que fait le Pouvoir de l'Univers se fait dans un cercle. Le ciel est rond et
j'ai entendu dire que la terre est ronde comme une balle et que toutes les
étoiles le sont aussi. Le vent, dans sa plus grande puissance, tourbillonne. Les
oiseaux font leur nid en rond, car leur religion est la même que la nôtre. Le
soleil s'élève et redescend dans un cercle. La lune fait de même, et ils sont
ronds l'un et l'autre. Même les saisons, dans leur changement, forment un grand
cercle et reviennent toujours où elles étaient. La vie d'un homme est un cercle
d'enfance à enfance, et ainsi en est-il de toute chose où le Pouvoir se meut.
Ainsi nos tentes étaient rondes comme les nids des oiseaux et toujours disposées
en cercle, le cercle de la nation, nid fait de nombreux nids où nous couvions
nos enfants selon la volonté du Grand Esprit".
"Il y a longtemps, mon père m'a répété les paroles de son père : une fois, un saint homme Lakota appelé Drink Water rêva de ce qui devait se passer. Il rêva que les quatre jambes revenaient sur Terre et qu'une race venue d'ailleurs tissait une toile tout autour des Lakotas. Et il dit: "Vous vivrez dans des maisons carrées, grises, sur une terre infertile..." Parfois on en sait plus en rêve que lorsqu'on ne dort pas".
"J'ai guéri avec le pouvoir qui passait à travers moi. Bien sûr, ce n'était pas moi qui guérissait. C'était le pouvoir venu de l'autre monde ; les visions et les cérémonies avaient simplement fait de moi un trou à travers lequel le pouvoir avait la possibilité de parvenir aux Deux-Jambes. Si j'avais pensé que c'était ma propre action, le trou se serait fermé et aucun pouvoir n'aurait pu passer. Tout ce que j'aurais fait alors aurait été insensé".
"La deuxième paix est celle qui se crée entre deux individus, la troisième et celle qui soude deux nations. Mais au-dessus de tout cela il vous faut comprendre que la paix ne sera pas possible entre les nations tant qu'on ne sera pas convaincu que la véritable paix - comme je l'ai souvent dit - se trouve au cœur même de l'âme humaine".
"Les Wasichus [homme blanc] nous ont mis dans ces boîtes carrées. Notre pouvoir s'en est allé et nous allons mourir parce que le pouvoir n'est plus en nous. Regardez nos garçons et voyez ce que nous sommes devenus. Lorsque nous vivions par le pouvoir du cercle, de la façon dont nous le devions, nos garçons étaient des hommes à douze ou treize ans. Maintenant il leur faut beaucoup plus de temps pour mûrir. Eh bien, les choses sont ce qu'elles sont. Nous sommes des prisonniers de guerre tant que nous attendons ici. Mais il y a un autre monde".
"Je
peux me rappeler l'hiver du massacre des cent (1866) comme on se rappelle un
mauvais rêve qu'on a fait dans son enfance ; mais je ne puis guère distinguer ce
que j'ai appris étant adulte de ce que j'ai compris enfant. On dirait quelque
chose d'effrayant dans le brouillard ; c'est que l'époque était aux troubles et
à la peur.
Je
n'avais encore jamais vu de Wasichu et je ne savais pas de quoi ils
pouvaient avoir l'air ; mais tout le monde disait que les Wasichus
allaient venir, qu'ils nous prendraient nos terres, nous extermineraient et
qu'il nous faudrait tous mourir au combat. Jadis nous étions heureux sur nos
terres et nous avions rarement faim parce qu'alors les deux-jambes et
quatre-jambes vivaient ensemble comme une grande famille et il y avait assez de
tout, pour eux comme pour nous. Mais les Wasichus sont venus et ils ont
fait de petits îlots pour nous et d'autres petits îlots pour les quatre-jambes
et ces petits îlots deviennent toujours plus petits devant la marée montante des
Wasichus, marée sale de tromperie et d'avidité. J'avais dix ans cet
hiver-là, quand pour la première fois je vis un Wasichu. D'abord
j'imaginai qu'ils étaient tous malades, et j'avais peur qu'ils n'engagent à tout
instant le combat avec nous, puis, je me suis habitué à eux.
Je peux me rappeler l'époque où les bisons étaient si nombreux qu'on ne pouvait les compter, mais les Wasichus les ont tués tant et tant qu'il ne reste que des carcasses là où ils venaient paître auparavant. Les Wasichus ne les tuaient pas pour manger ; ils les tuaient pour le métal qui les rend fous et ils ne gardaient que la peau pour la vendre. Parfois, ils ne les dépeçaient même pas ; ils ne prenaient que les langues et j'ai entendu parler de bateaux de feu descendant le Missouri chargés de langues de bisons séchées. Ceux qui ont fait cela étaient des fous. Parfois, ils ne prenaient même pas les langues ; ils les tuaient simplement pour le plaisir de tuer. Quand nous chassions le bison, nous ne le faisions que selon nos besoins".
"La
vision est authentique et puissante. Que je sache elle n'a rien perdue de son
authenticité et de sa puissance : car ces choses-là sont le fait de l'esprit, et
c'est dans l'obscurité de leurs yeux que les hommes se sont perdus".
Chef Joseph
1840 – 1904
Chef Joseph fut l'un des chefs de la tribu
des Nez-Percé. Ils vivaient en bonne entente avec les blancs avant 1877. Mais
cette entente fut compromise à la suite de la découverte d'or sur leur terrain
de chasse dans l'Oregon. Il s'ensuivit une guerre entre blancs et Nez-Percé.
Bien entendu les Indiens furent obligés de se rendre mais après une formidable
leçon de courage pour qui connaît cette histoire : environ 800 d'entre eux
fuirent devant l'avancée yankee et parcoururent près de 1700 km. A la fin de
cette longue fuite, Chef Joseph fut contraint de signer avec le colonel Nelson
Miles la reddition de son peuple, à seulement 46km de la frontière canadienne le
but de leur épopée. Il furent ensuite déportés dans une réserve du Kansas où bon
nombre moururent de maladie. En
1883, le président Hayes autorisa une petite partie de la bande de Chef Joseph a
regagné leur terre, ce dernier n'y fut pas autorisé et resta dans la réserve
Coville dans l'État de Washington où il mourut en 1904, à l'âge de 64
ans.
"Mon
père m'a fait appeler. J'ai vu qu'il allait mourir. J'ai pris sa main dans la
mienne. Il m'a dit : Mon fils, mon corps retourne vers ma mère la terre, et mon
esprit va bientôt voir le Chef Grand Esprit. Quand je serai parti, pense à ton
pays. Tu es le chef de ce peuple. Ils attendent de toi que tu les guides.
Rappelle-toi toujours que ton père n'a jamais vendu son pays. Tu dois te boucher
les oreilles chaque fois qu'on te demandera de signer un traité pour vendre ton
pays natal. Encore quelques années et les hommes blancs t'encercleront. Ils ont
les yeux sur cette terre. N'oublie jamais, mon fils, mes paroles de mourant.
Cette terre renferme le corps de ton père. Ne vends jamais les os de ton père et
de ta mère. J'ai pressé la main de mon père et je lui ai dit que je protègerai
sa tombe de ma propre vie. Mon père a souri et s'en est allé vers la terre des
esprits.Je l'ai enterré dans cette belle vallée où l'eau serpente. J'aime cette
terre plus que tout le reste au monde. Un homme qui n'aimerait pas la tombe de
son père serai pire qu'un animal sauvage".
"Tous les hommes ont été
créés par le même Esprit Divin. Nous sommes tous frères. Notre terre est la mère
de tous les êtres humains, et tous devraient bénéficier de ses bienfaits de
manière égale. Je sais que nous autres, Indiens, devons changer... Nous voulons
seulement avoir les mêmes droits que les autres hommes, nous voulons être comme
faisant partie de l'humanité. Et lorsque l'Indien sera traité par l'homme blanc
comme tout autre être humain, alors nous ne connaîtrons plus la guerre. Nous
aimerions être les enfants d'une même et seule famille sous un seul et unique
ciel entouré du même pays, et nous prions pour que cela advienne".
"Je suis fatigué de me battre. Nos chefs ont été tués. Looking Glass est mort. Too-Hul-Hul-Sote est mort. Tous les anciens sont également morts... Celui qui dirigeait nos jeunes gens, Ollokot, est mort. Oh ! il fait si froid et nous n'avons pas de couvertures. Nos petits enfants meurent de froid. Certaines personnes parmi mon peuple se sont enfuies dans les collines, elles n'ont ni couvertures ni nourriture. Personne ne sait où elles sont allées, peut-être sont-elles déjà morte de froid. Je veux qu'on me laisse du temps pour rechercher mes enfants, et voir combien je peux en retrouver vivants. Il se peut que je les retrouve parmi les morts. Écoutez-moi, dites au Général Howard que je connais son cœur. Le mien est triste et tourmenté. À partir de ce jour, de l'endroit où se tient le soleil, je ne combattrai plus jamais !".
"J'ai
serré la main a beaucoup d'amis, mais il y a des choses que je veux savoir et
que pas un ne semble capable d'expliquer. Je ne peux pas comprendre comment le
gouvernement qui envoie un homme combattre, comme il le fit avec le général
Miles, peut ensuite rompre ses promesses. Un tel gouvernement a quelque chose de
mauvais en lui... Je ne comprends pas pourquoi rien n'est fait pour mon peuple.
J'ai entendu discours après discours mais rien n'est fait. Les bonnes paroles ne
servent à rien s'il n'en sort quelque chose.. Les paroles ne me rendent pas mes
morts. Elles ne me rendent pas mon pays envahi aujourd'hui par l'homme blanc.
Elles ne protègent pas la tombe de mon père. Elles ne me rendent pas mes chevaux
et mon bétail.
Les
bonnes paroles ne me rendent pas mes enfants. Les bonnes paroles ne changeront
rien à la promesse de votre chef de guerre le général Miles. Les bonnes paroles
ne donnent pas bonne santé à mon peuple, et ne les empêchent pas de mourir. Les
bonnes paroles ne donneront pas à mes gens un lieu où ils puissent vivre en paix
et prendre soin d'eux-mêmes.
Je
suis fatigué des discours qui ne débouchent sur rien. J'ai le cœur malade quand
je me rappelle toutes les belles paroles et les promesses non tenues ; il y a eu
trop de paroles venant d'hommes qui n'avaient pas droit à la parole. Trop de
mauvaises interprétations ont été faites ; trop souvent les hommes blancs se
sont mépris sur les Indiens.
Si
l'homme blanc veut vivre en paix avec l'Indien, il peut vivre en paix. Il n'est
pas nécessaire de se quereller. Traitez tous les hommes pareillement.
Donnez-leurs à tous une chance égale de vivre et de croître... Vous pouvez aussi
bien attendre des rivières qu'elles coulent à l'envers, qu'exiger de n'importe
quel homme libre qu'il soit content d'être enfermé et que la liberté d'aller où
bon lui semble lui soit refusée. Si vous attachez un cheval à un piquet, vous
attendez-vous à ce qu'il grossisse ? Si vous parquez un Indien dans un coin de
terre et que vous l'obligez à rester, il n'y sera pas content et il ne croîtra
ni ne prospèrera.
J'ai
demandé à certains grands chefs Blancs d'où ils tenaient le droit de dire à
l'Indien qu'il resterait dans un endroit alors qu'il voit les hommes blancs
aller où ils veulent. Ils ne peuvent me répondre. Ce que je demande au
gouvernement, c'est d'être traité comme les autres hommes sont traités. Si je ne
peux pas aller dans mon propre foyer, donnez-moi un foyer où mon peuple ne
mourra pas si vite...
Je
sais que ma race doit changer. Nous ne pouvons rester tels que nous sommes à
côté de l'homme blanc. Nous ne demandons qu'une chance égale de vivre comme tous
les autres hommes vivent. Nous demandons à être reconnus comme des hommes. Nous
demandons que la même loi soit appliquée pareillement à tous les hommes. Si un
Indien viole la loi, punissez-le par la loi. Si un homme blanc viole la loi,
punissez-le aussi.
Rendez-moi ma liberté - liberté de voyager, liberté de m'arrêter, liberté de travailler, liberté de faire du commerce là où je le choisis, liberté de suivre la religion de mes pères, liberté de penser et d'agir pour moi-même - et j'obéirai à chaque loi ou je me soumettrai au châtiment".
"Nos pères nous ont
transmis de nombreuses lois, qu'ils avaient apprises eux-mêmes de leur pères.
Elles disaient de traiter les hommes comme ils nous traitent, que nous ne
devions jamais rompre un accord les premiers, que c'était une honte de dire des
mensonges, que seule la vérité devait être dite".
Chef Seattle
1786
– 1866
Chef Seattle était un
Chef traditionnel de la tribu des Duwamishs. Les extraits qui suivent sont issus
d'un discours qu'il a prononcé à Point Elliot, en 1855, à l'attention du
gouverneur Isaac Stevens et, à
travers lui, le président des États-Unis d'Amérique.
"Le ciel au-dessus de nos têtes,
qui a pleuré des larmes de compassion sur mon peuple pendant des siècles et des
siècles, qui nous paraît immuable et éternel, est soumis au changement.
Aujourd'hui, il est clair, demain il sera peut-être couvert de nuages[...] Le
chef blanc dit que le grand chef à Washington nous envoie ses salutations
amicales et ses bons vœux. C'est très aimable de sa part, car nous savons qu'il
n'a lui-même guère besoin de notre amitié. Son peuple est innombrable, il est
comme l'herbe qui recouvre les grandes prairies. Mon peuple est peu nombreux, il
ressemble aux arbres épars d'une plaine balayée par la tempête. Le grand, et je
suppose, bon chef blanc nous fait savoir qu'il souhaite acheter nos terres, mais
qu'il désire nous en laisser assez pour que nous puissions vivre
confortablement. Cette offre semble juste, généreuse même, car l'homme rouge est
désormais privé de droits dont il pourrait exiger le respect ; elle paraît
également judicieuse, dans la mesure où nous n'avons plus besoin d'un pays très
étendu.
Il fut un temps où notre peuple
couvrait la terre comme les vagues d'une mer agitée par le vent recouvrent son
fond pavé de coquillages. Mais cette époque a pris fin depuis longtemps avec la
grandeur des tribus, dont nous ne gardons plus aujourd'hui qu'un poignant
souvenir.[...]
Nous souhaitons aujourd'hui que
les hostilités entre nous ne puissent plus jamais être réouvertes. Nous aurions
tout à y perdre. La vengeance est considérée comme un juste retour des choses
par les jeunes braves, même lorsqu'elle s'accomplit au prix de leur vie, mais
les vieillards qui demeurent chez eux en temps de guerre, et leurs mères qui
s'inquiètent du sort de leurs fils, savent pertinemment qu'il n'en est
rien.
Notre bon père à Washington [...]
nous assure que si nous agissons comme il le désire, il nous protègera. Ses
braves guerriers dresseront un mur infranchissable autour de nous, et ses
merveilleux navires de guerre rempliront nos ports, si bien que nos anciens
ennemis des terres lointaines du Nord, les Hidas et les Timpsions, cesseront
d'effrayer nos femmes, nos enfants et nos vieillards. Alors il sera
véritablement notre père, et nous serons vraiment ses enfants. Mais cela peut-il
se produire un jour ? Votre Dieu n'est pas notre Dieu ! Votre Dieu aime votre
peuple et hait le mien. Il étend amoureusement ses puissants bras protecteurs
autour du visage pâle et le guide par la main comme un père conduit son petit
enfant - mais Il a abandonné Ses enfants rouges, si tant est qu'ils soient
réellement Ses enfants. Notre Dieu, le Grand Esprit, semble lui aussi nous avoir
oubliés. Votre Dieu vous rend plus forts de jour en jour. Bientôt votre peuple
s'étendra sur toute cette terre. Le nôtre ne cesse de diminuer comme une marée
qui descend rapidement et ne reviendra jamais. Le Dieu de l'homme blanc ne doit
pas aimer notre peuple, car sinon Il le protègerait. Nous ressemblons à des
orphelins qui ne peuvent se tourner nulle part pour trouver de l'aide. Comment,
dans ce cas, serions-nous frères ? Comment votre Dieu pourrait-Il devenir le
nôtre, nous rendre la prospérité, faire revivre en nous des rêves de grandeur
retrouvée ? Si nous avons tous le même Père Céleste, Il doit avoir ses
préférences, car Il s'est montré seulement à Ses enfants au visage pâle.[...]
Non ! Nous sommes deux races distinctes, avec des origines différentes et des
destins divergents. Il y a peu de chose en commun entre nos peuples.
Pour nous, les cendres de nos
ancêtres sont sacrées, et l'emplacement où elles reposent est une terre sainte.
Vous errez loin des tombes des vôtres, apparemment sans regret. Votre religion a
été écrite sur des tables de pierre par le doigt de fer de votre Dieu afin que
vous ne risquiez pas de l'oublier. L'homme rouge n'a jamais pu ni la comprendre,
ni s'en souvenir. Notre religion est faite des traditions de nos ancêtres - les
rêves que le Grand Esprit a envoyés à nos anciens aux heures solennelles de la
nuit, les visions de nos Sages -, et elle est inscrite dans les cœurs de notre
peuple.
Vos morts cessent de vous aimer,
ainsi que la terre qui les a vus naître, dès qu'ils franchissent les portes de
la tombe et s'en vont vaquer au-delà des étoiles. Ils sont vite chassés de vos
mémoires et ne reviennent plus. Les nôtres n'oublient jamais le monde
merveilleux qui leur a donné la vie. Ils continuent d'aimer ses vallées
verdoyantes, ses cours d'eau murmurants, ses magnifiques montagnes, ses vallons
encaissés, ses lacs et ses baies aux rives boisées ; ils brûlent toujours d'une
affection tendre et indulgente pour les vivants au cœur solitaire, et reviennent
souvent du pays des Chasses Bienheureuses pour leur rendre visite, les guider,
les consoler et les réconforter.
[...] Votre proposition semble
équitable, et je pense que mes frères vont l'accepter et se retirer sur la
réserve que vous leur offrez. Alors nous vivrons en paix à l'écart les uns des
autres, car les mots du Grand Chef Blanc semblent être la voix de la nature
parlant à mon peuple du fond des ténèbres impénétrables.
Peu nous importe l'endroit où
nous passerons le reste de nos jours, ils ne seront de toute façon pas très
nombreux. La nuit de l'Indien promet d'être sombre. Pas une seule étoile
d'espoir ne brille au-dessus de son horizon, des vents aux accents funèbres
gémissent au loin. La sinistre Némésis semble être sur la piste de l'homme rouge
: partout où il ira, il percevra dorénavant derrière lui les pas de son féroce
destructeur, et il se préparera à affronter stoïquement son destin, ainsi que le
fait la biche blessée en entendant approcher le chasseur.
Encore quelques lunes, encore
quelques hivers, et plus un seul descendant des puissants hôtes qui peuplèrent
autrefois cette vaste terre où vécurent dans des foyers heureux, protégés par le
Grand Esprit, ne restera pour pleurer sur les tombes d'un peuple jadis plus
florissant et plus rempli d'espoir que le vôtre. Mais pourquoi m'attristerai-je
de la disparition prématurée des miens ? Une tribu suit l'autre, une nation
succède à l'autre, comme les vagues de l'océan. Telle est la loi de la nature,
et tout regret paraît inutile. Le temps de votre chute est encore peut-être
lointain, mais il viendra sûrement, car même l'homme blanc dont le Dieu marche à
côté de lui et lui parle comme à un ami ne pourra pas échapper à la destinée
commune. Nous sommes peut-être des frères, après tout. Nous verrons bien.
Nous examinerons votre
proposition, et quand nous aurons pris une décision, nous vous la ferons
connaître. Mais pour que nous l'acceptions, je pose moi-même, d'ores et déjà,
cette condition : que nous soit pas refusé le droit de venir visiter à tout
moment, sans être maltraités, les tombes de nos ancêtres, de nos amis et de nos
enfants. Chaque parcelle de ce pays est sacrée dans l'esprit de mon peuple.
Chaque flanc de montagne, chaque vallée, chaque plaine, chaque bocage a été
sanctifié par un événement heureux ou malheureux survenu à une époque depuis
longtemps révolue. Les rochers eux-mêmes, apparemment muets et morts,
transpirent sous le soleil le long du rivage silencieux, et frémissent du
souvenir d'événements importants liés à la vie des miens; la terre épouse plus
amoureusement nos pas que les vôtres parce qu'elle est riche de la poussière de
nos ancêtres, et que nos pieds nus sont conscients de ce contact rempli d'amour.
Tous ceux qui sont partis, nos braves, nos mères affectionnées, nos jeunes
filles heureuses, au cœur joyeux, et même les petits enfants qui vécurent ici et
n'y connurent que la joie que pendant une brève saison, continuent d'aimer ces
étendues aujourd'hui mornes et désertes; chaque jour, à la tombée de la nuit ,
les esprits y reviennent en grand nombre. Quand le dernier homme rouge aura
disparu de la surface de cette Terre et que le souvenir des miens sera devenu un
mythe parmi les hommes blanc, ces rivages grouilleront des morts invisibles de
ma tribu, et lorsque les enfants de vos enfants se croiront seuls dans les
champs, les magasins, dans les boutiques, sur les routes, ou dans le silence des
bois impénétrables, ils ne le seront pas. Sur toute la terre, il n'y a pas
d'endroit où la solitude soit possible. La nuit, quand les rues de vos villes
seront silencieuses et que vous les croirez désertes, elles seront remplies par
la foule des revenants qui occupaient autrefois cette belle contrée et
continuent de l'aimer. L'homme blanc ne sera jamais seul.
Qu'il soit juste, et qu'il traite
mon peuple avec égard, car les morts ne sont pas dénués de pouvoir. Les morts,
ai-je dit ? Il n'y a pas de mort. Seulement un changement de monde".
Géronimo
1829
- 1909
Geronimo fut l'un des leaders de la révolte
apache contre les mexicains et plus tard contre les Américains. Sa révolte et sa
haine contre les Mexicains lui viennent de l'assassinat de sa première femme et
de ses enfants par les descendants des Espagnols. Sa révolte se traduisit par
une guérilla sans pitié.. Ses actions le firent craindre par les Mexicains. Au
début, peu suivi par les siens il fut vite rejoint par des membres de sa tribu
dans sa révolte contre l'oppression mexicaine. Leurs ennuis vinrent plus tard
des yankees. Ces derniers ne comprenaient pas l'attachement de ce peuple pauvre
pour cette terre hostile. Ils les ont déplacés vers des terres plus
accueillantes, les y ont parqués mais n'ont jamais pu éteindre le feu de la
révolte.
"Nous sommes en train de
disparaître de la surface de la terre, mais je continue à croire qu'il doit y
avoir une bonne raison pour que Yoséné [Dieu] nous ait crées. Il a donné vie à
toute une variété d'espèces d'hommes. Ainsi pour chaque espèce créée, Il désigna
un pays particulier. Lorsque Yoséné créa les Apaches, Il leur donna un pays qui
se situe à l'Ouest. Pour nourriture Il leur remit des graines, des fruits et du
gibier. Afin de soigner les différentes maladies, Il fit croître des plantes
médicinales. Puis Il leur enseigna où trouver ces plantes et comment les
préparer. Il leur accorda un climat doux et tout ce dont ils avaient besoin pour
se vêtir et s'abriter... Cela eut lieu au tout début de la création : car Yoséné
créa simultanément le peuple Apache et son pays. Et quand viendra le jour où les
Apaches seront séparés de leur terre, ils tomberont malades et mourront. Combien
de temps s'écoulera-t-il avant que l'on dise qu'il n'y a plus d'Apaches "?.
Le Cheyenne qui "parle rouge"
Une interview
de Lance Henson au sujet du peuple Sahiela (Cheyenne).
Nitassinan - Certaines tribus
cherchent à récupérer une partie de leurs terres traditionnelles. Les Cheyennes
d'Oklahoma ont-ils des revendications territoriales ?
Lance Henson - Nous avons
d'importantes revendications territoriales dans la région où nous vivons. Nous
soutenons réellement tout indigène qui lutte pour garder sa terre. Nous sommes
en relation avec la majorité des tribus à l'extérieur des États-Unis. Nous nous
réunissons dans des endroits comme Genève et aussi chez nous. Nous connaissons
la condition tragique de nombreux peuples qui n'ont pas de traités avec leurs
gouvernements. Dans ce cas, le gouvernement peut leur faire à peu près tout ce
qu'il veut. Les témoins sont une sauvegarde. Mon peuple est conscient de cette
situation et nous sommes solidaires de ces peuples. La souveraineté devrait nous
ouvrir une voie légale qui nous permette de protéger les droits des peuples
indigènes à travers le monde. La société qui domine ce monde est effrayée par
les peuples indigènes qu'elle ne nous accorde même pas un siège aux Nations
Unies. De quoi ont-ils peur ? Ils craignent que les gens de la société dominante
se rendent compte que ce qu'on leur à appris est faux. Le capitalisme est là et
si vous croyez en lui, vous pouvez être victime les gouvernements dominants. Par
deux fois mon peuple a essayé de venir à bout de l'État d'Oklahoma. L'an
dernier, nous vivons bloqué les routes autour de notre réserve. Le gouvernement
de l'Oklahoma a réagi comme à l'habitude, en nous bloquant avec des camions.
Nous sommes toujours un peuple guerrier et nous sommes solidaites des autres
tribus qui luttent pour leurs terres.
N. - Parlez-nous des
problèmes de l'alcool et de la drogue...
L.H. - Le rituel nous
enseigne à vivre en équilibre. Il y a un problème dans la population indigène.
La violence contre soi-même vient du fait que nos systèmes de valeurs ne sont
reconnus ni par les historiens, ni par les organisations mondiales qui nous
regardent comme des gens arriérés et compliqués. Le fait que la société
dominante ne reconnaisse pas nos croyances nous fait souffrir et nous renvoie
une image dévalorisante de nous-mêmes.
N. - Les Cheyennes
peuvent-ils oublier Sand Creek et Wachita River ?
L.H. - Pour moi, les
blessures sont guéries. Mais la métaphore se poursuit parce que tout ce qui nous
arrive n'est pas conçu comme une chose du passé, mais comme une chose actuelle.
L'une des raisons pour lesquelles nous avons continué à lutter si fort est le
sentiment que notre histoire n'est pas dans nos livres, mais dans nos rituels.
Nous nous souvenons de Sand Creek, nous nous souvenons de Wachita comme s'ils
étaient là, lorsque nous nous rencontrons. Mais la force du rituel est ce qui
nous permet de nous concentrer sur la colère et de la surmonter. Nous sommes
menacés, et ce depuis 500 ans. La lutte ne s'est pas arrêtée à Wounded Knee.
Elle est devenue une bataille judiciaire devant la Cour Suprême.
N. - L'éducation pour les
jeunes Indiens est-ce pour vous celle des Blancs ou cette donnée par la famille,
la communauté?
L.H. - Crazy Horse et Sitting
Bull n'ont pas eu besoin d'éducation, ils n'en auraient rien fait. Le système de
l'homme blanc, j'essaie de
l'utiliser contre lui. L'anglais n'est pas ma langue. J'ai une maîtrise du
Collège de la Fondation Ford et je suis diplômé de l'Université de Tulsa,
Oklahoma. Quand je sui sorti du lycée, mon grand-père m'a dit d'apprendre la
langue de l'homme blanc et ses façons de faire, et de revenir à la maison et de
les utiliser contre lui. C'est ce que font beaucoup d'entre nous qui écrivent
des histoires et des poèmes. Ce sont des outils dont nous avons besoin. Nous ne
voulons pas construire des murs avec ces outils, mais des ponts de compréhension
entre les gens afin de pouvoir nous aider les uns les autres à sauver
l'environnement de l'homme.
N. - Y a-t-il des écoles
alternatives où les Cheyennes peuvent apprendre ou réapprendre leur langue
?
L.H. - Comme les Lakota, les
Cheyennes ont un collège sur leur réserve, Doma College. C'est un collège sous
contrat, mais il enseigne aussi la langue et les manières de vivre du peuple. A
l'Université d'Oklahoma, un programme de langue cheyenne a fonctionné
sporadiquement ces deux dernières années. Il doit continuer parce que nos
rituels sont conduits dans notre langue. C'est ainsi que nous sommes restés
forts. Dans la société traditionnelle, avant votre naissance, vous participez au
rite de la vie cheyenne. La femme qui porte un enfant doit participer aux
cérémonies. Ainsi, l'enfant dans le sein de sa mère perçoit la réalité cheyenne,
le tambour, les chants. Vous ne pouvez pas naître chef dans ma tribu, vous devez
le mériter progressivement. Avant l'âge de vingt ans, vous n'êtes pas qualifié
parce que nous n'avez pas encore participé à suffisamment de rituels pour avoir
appris la langue, pour connaître le peuple.
N. - Les Cheyennes
avaient-ils une culture spécifique par rapport aux autres Indiens des Plaines
?
L.H. - Chaque tribu a ses
propres rites, sa propre perception. Les Arapahoe d'Oklahoma ont une Danse du
Soleil dont nous ne connaissons rien. Les Cheyennes du Sud ont une Danse du
Soleil et les Arapahoe y viennent quelquefois comme chanteurs, mais ils n'y
participent pas habituellement. Chaque tribu doit préserver son propre sens du
rituel et sa participation à ce rituel, et c'est ainsi que nous avons vécu
depuis toujours. Depuis ces dernières années, les Oglala ont offert leur Danse
du Soleil à chacun, à tout peuple indigène qui avait perdu ses grandes
cérémonies. Ils étaient l'année dernière en Californie. Bien que la vie des
Oglala soit difficile, ils ont gardé ce sens profond de l'engagement vis-à-vis
des autres nations, des nations indigènes du monde, et en cela, ce sont eux les
plus courageux. J'ai rencontré les Yanomami au Brésil, les Maori de
Nouvelle-Zélande. J'étais aussi en Guinée et avec les Mhong en Thaïlande. Cela a
été un grand honneur pour moi de voyager parmi toutes ces tribus. En leur
parlant, j'ai pris conscience que nous étions tous frères et sœurs.
N. - Dans une interview, vous
dites "travailler sur les choses qui font un ou une Cheyenne". Que voulez-vous
dire ?
L.H. - Je parlais de
l'immersion, s'immerger dans une croyance rituelle afin de devenir un homme ou
une femme cheyenne. C'est un système global qui exige toute une vie
d'apprentissage. J'aurai 50 ans cette année et je suis toujours en train
d'apprendre à propos de cette force dynamique que constitue la vie cheyenne.
Nous devons commencer à suivre nos propres projets et à tourner le dos au
système du welfare (aide sociale) que le Bureau des Affaires Indiennes
nous a imposé.
N. - Les Indiens actuels
forment-ils réellement des nations souveraines ou bien sont-ils de simples
citoyens américains?
L.H. - Y a-t-il des
fonctionnaires du gouvernement américain ici ? Vous comprenez que cela me
coûterait mon passeport... Je déclare une guerre personnelle contre le
gouvernement américain, je rejette ses valeurs, ses systèmes parce qu'il a
assassiné mon peuple. Je pense que les tribus qui ont été exterminées par le
gouvernement américain devraient porter plainte contre lui pour génocide. Nous
ne voulons pas, nous n'avons jamais voulu être des esclaves. Nous en avons assez
d'être des victimes. Maintenant, nous sommes éduqués, nous avons des avocats,
des sociologues qui sont acceptés par la société dominante. Nous attendons de
rentrer chez nous, pour vivre comme nous devons vivre, parmi notre peuple, dans
la souveraineté.
[1]
A cet appel, les Puritains répondirent, en se fondant sur la Bible : "Demande-le
moi, et je te donnerai les païens pour héritage et les confins de la Terre pour
possession." (Psaumes 2-8) et la Lettre aux Romains : "Ainsi, quiconque résiste
au Pouvoir résiste à la Loi de Dieu, et ceux-là qui résistent seront damnés."
(Psaumes 13-2) qu'au nom de dieu ils avaient toute légitimité à s'approprier
leurs terres !
[2] Voici le texte de la
réponse de Sitting Bull au général
Terry, émissaire du gouvernement fédéral U.S. : "Pendant
soixante-quatre ans vous avez persécuté mon peuple. Qu'avons-nous fait pour
devoir quitter notre pays, je vous le demande ? Je vais vous répondre. Nous
n'avions nulle part où aller, aussi nous nous sommes réfugiés ici. C'est de ce
côté de la frontière que j'appris à tirer et devins un homme. Pour cette raison
j'y suis revenu. On m'a talonné jusqu'à ce que, contraint d'abandonner mes
propres terres, je vienne ici. J'ai été élevé dans cette région et je serre
aujourd'hui les mains de ces gens [les Canadiens].
C'est ainsi que j'ai fait la connaissance de ces gens et c'est ainsi que je me propose de vivre. Nous n'avons pas donné notre pays ; vous vous en êtes emparés. Voyez comme ces gens me traitent. Regardez-moi. Vous me croyez dupe, mais vous l'êtes encore bien plus que moi. Cette maison , la maison de l'Anglais, est une maison sacrée [maison de la vérité] et vous venez ici nous dire des mensonges ! Nous ne voulons pas les entendre. J'ai maintenant assez parlé. Vous pouvez vous en retourner. Ne dites plus rien. Emportez avec vous vos mensonges. Je resterai avec ce peuple. Le pays d'où nous venons nous appartenait ; vous nous l'avez pris ; nous vivrons ici".